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DW : 01x01 - Rose


Scénarisé par Russell T. Davies

C'est en 2005 que le Docteur fait son retour sur les écrans des télévisions anglaises, un retour que l'on doit à Russell T. Davies, auquel la BBC a confié la renaissance de la série. Doctor Who s'était éteint en 1989, en même temps que se concluait la vingt-sixième saison de la série. Un dernier sursaut fit revivre le personnage à l'occasion d'un téléfilm en 1996, mais c'est en 2005 que reviennent pour de bon le Docteur et son TARDIS. Scénarisé par Davies lui-même, le premier épisode s'intitule Rose, du nom du personnage qui va accompagner le Seigneur du Temps dans ses nouvelles aventures. Rose Tyler, incarnée par une jeune Billie Piper pétillante, est un londonienne presque banale, vendeuse dans un magasin de vêtements et enlisée dans un quotidien morne qu'animent sa mère, délurée, et son petit-ami, Mickey. Le premier épisode invite le spectateur à partager une journée de Rose, tandis qu'elle fait la plus étrange des rencontres. Alors qu'elle se retrouve dans les sous-sols de l'immeuble où elle travaille, une immense pièce parsemée de vêtements et de mannequins, ces derniers s'animent brusquement et adoptent une attitude menaçante. C'est à ce moment qu'intervient un étrange individu, souriant et plutôt calme étant donné la situation surnaturelle qu'il vient d'apercevoir. L'homme la sauve des inquiétants mannequins avant de faire exploser le bâtiment. Sauvée, Rose rentre chez elle. Pourtant, l'énigme qu'incarne ce mystérieux personnage qu'elle vient de rencontrer va la pousser à en apprendre davantage.

Pour ce retour attendu de longue date, Davies pense autant aux fans de la première heure qu'aux nouveaux spectateurs, plus jeunes. Ainsi, il crée le personnage de Rose Tyler, cette adolescente de dix-neuf ans qui va permettre à la jeunesse de s'identifier. C'est en même temps que Rose que les spectateurs vont peu à peu découvrir le Docteur, son caractère, son TARDIS. Le Docteur est incarné par le talentueux Christopher Eccleston, qui livre une prestation savoureuse, capable d'alterner les tons avec une aisance remarquable. L'acteur passe de la gravité à l'optimisme absurde en une fraction de seconde, ce qui donne lieu à des scènes irrésistibles saupoudrées par un humour anglais délicieux. Absurde, l'épisode l'est jusque dans sa menace, se permettant de se parodier lui-même à travers des attaques ennemies improbables, comme le prouve la présence d'un bras meurtrier ou d'une poubelle dévoreuse d'homme. Le manque de budget transparaît alors à travers ces menaces finalement peu crédibles, les effets spéciaux n'en mettent pas plein la vue, au contraire. Un défaut largement compensé par la qualité d'écriture et le rythme qu'elle confère à l'épisode, celui-ci ne s'encombrant d'aucune scène à jeter. La première partie de Rose résonne comme une enquête, tandis que le personnage éponyme s'entête à poursuivre le Docteur, à travers les traces qu'il laisse à travers le temps. D'indice en indice, Rose (et le spectateur) découvrent le mystère qui enveloppe ce personnage, tandis qu'il apparaît à diverses époques. Plus tard, la rencontre entre les deux protagonistes principaux intervient enfin, l'occasion pour le scénariste de tisser quelques scènes pour présenter le Docteur et ses facettes, qui refléteront la tonalité du show. De l'humour décalé, tandis que le personnage se fait étranger par une main de plastique suspendue dans les airs, à la grandiloquence, alors que le Seigneur du Temps assène un discours portant sur la faculté qu'il a de sentir les mouvements de la planète. Ces séquences sont mises en scène à travers une réalisation léchée et efficace, comme le prouvent les plans d'ouverture qui illustrent l'effervescence de la capitale, ou la scène de la confrontation finale, adoptant des angles du vue originaux et dynamiques. Keith Boak semble aimer son travail de réalisateur, un poste qui devait avant revenir à Edgar Wright, débauché pour réaliser son propre long-métrage, l'exceptionnel Shaun of the Dead. A noter que la star de ce film, Simon Pegg, jouera dans le septième épisode de la série.


Outre les effets spéciaux, kitsch, l'autre point faible de cet épisode (et de la première saison dans son intégralité) se trouve être la musique. Murray Gold composera la bande-son de toutes les saisons de Doctor Who, mais ses premiers travaux sont loin de briller, surtout comparés à ce qu'il produire lui-même plus tard. Ainsi, l'accompagnement musical de ce premier épisode n'est absolument pas marquant. Le compositeur se permet des expérimentations sonores qui évoquent de l'électro, mais le résultat reste au mieux passable. Des claviers assassins accompagnent tout l'épisode, tandis que la rythmique semble désincarnée. L'écoute pure n'est pas plus engageante, peut-être est-ce un problème budgétaire car plusieurs sons n'ont pas la qualité qu'auront les dernières bande-sons du compositeur. Les limites budgétaires resurgissent d'ailleurs au sein des décors, mais comme précisé précédemment, la réalisation efficace de Boak permet de profiter pleinement de l'aventure, qui se déroule essentiellement en intérieurs.

L'épisode adopte une veine populaire que la série se plaira à réutiliser régulièrement, de Night Terrors (saison 6) à Invasion of Zygons (saison 9). Rose est une vendeuse lambda, au sein d'une famille monoparentale, et qui représente tout un pan de la consommation moderne (son statut de vendeuse). Consommation qui sera d'ailleurs vivement critiquée tout au long de l'épisode : les ennemis sont faits de plastique, matière que l'on retrouve partout, et s'incarnent dans des mannequins, symboles de la consommation et du dictât des apparences. Le personnage de Rose apparaît comme superficiel, ainsi que sa mère, qui tente de vendre son histoire contre de l'argent. Ces traits de caractères seront développées au fil des épisode, Rose se contentant de dresser un portrait archétypal des protagonistes. Par exemple, Rose elle-même est seulement esquissée, le scénariste ne dévoilant qu'une jeune femme qui rêve d'évasion. Sa personnalité et son histoire personnelle serviront de base à plusieurs épisodes, comme Father's Day, le huitième épisode de cette saison. Si tous nouveaux personnages permettent aux nouveaux spectateurs de découvrir la série, le scénariste n'oublie jamais de s'appuyer sur une mythologie vieille de plusieurs dizaines d'années, notamment en exploitant les fameux Autons et la conscience Nestene, déjà connus des adeptes de la série classiques à travers les épisodes Spearhead from Space et Terror of the Autons, diffusés dans les années 70. De la même manière, Davies regarde vers l'avenir et apporte sa propre contribution à Doctor Who, à l'aide des personnages principaux, bien sûr, mais aussi en évoquant de nouvelles choses comme la Guerre du Temps ou la Proclamation de l'ombre, des éléments qui seront développés à l'avenir. La Guerre du Temps permet de créer un Docteur plus sombre que par le passé, rongé par un conflit que le spectateur ne peut appréhender pour l'instant, et qui sera grandement mis en avant dans les saisons futures.

Russell T. Davies dote Rose d'un entourage familial cohérent, chose qu'il réitérera pour chacune des compagnes qu'il créera, de Martha (saison 3) à Donna (saison 4). Ceci permet d'offrir un contexte social au personnage, qui permettra de l'étoffer davantage à travers des sous-intrigues dramatiques ou comiques, tout en offrant des enjeux aux différents scénaristes qui travailleront sur les personnages en question. Davies développera un fil rouge narratif tout au long de la saison, excepté dans ce premier épisode dédié au retour de la série et la présentation des personnages à une nouvelle audience.


Le retour de la série est d'une réussite exemplaire. En préférant accompagner le spectateur dans un univers qu'il peut ne pas connaître, tout en flattant les connaisseurs grâce à des références bien senties, Davies donne vie à des personnages attachants qui ne se dévoileront qu'au fur et à mesure des épisodes. Loin d'être inaccessible pour les néophytes, l'épisode alterne les passages sérieux (les photos du Docteur à travers le temps) à d'autres séquences humoristiques (Mickey en plastique), pour un résultat irrésistible. Le jeu d'acteur d'Eccleston fait honneur au personnage, et Billie Piper semble à l'aise, propulsée dans un rôle qui la fera connaître au grand public. En promettant des voyages extraordinaires à travers le temps et l'espace, la conclusion de l'épisode résonne comme une invitation à l'évasion. La renaissance de la série s'accomplit de la meilleure des manières, le Docteur et les spectateurs sont alors prêts à arpenter des chemins dont les circonvolutions ne seront dictées que par l'imagination des scénaristes. Et ils en ont à revendre.

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